Droit et notion de droit : La NÉCESSITÉ DE SERVICE

Bien qu’elle ne soit pas définie précisément dans les textes réglementaires, la nécessité de service ou intérêt du service est guidée par le principe de continuité du service public. L’autorité administrative peut « prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité ». Ce qui fonde juridiquement ceci est un truc ancien : c’est l’arrêt Jamart de 1936 pris par le Conseil d’Etat de l’époque. Dans cet esprit, les règles statutaires (lois et règlements) peuvent être modifiées par le chef de service ou l’autorité administrative « dans l’intérêt du service ».

Quelle est la portée de la nécessité de service ? Pour nous dans la territoriale, la nécessité de service peut être évoquée dans de nombreuses situations qui vont de l’organisation de la semaine scolaire, l’affectation ou la mutation d’agentEs, la réorganisation de l’emploi du temps y compris, « ah ben non tu seras pas en vacances car dans l’intérêt du service et des usagerEs » (s’il y a des chefFEs antisexistes et féministes, toutefois ça ne gomme pas le rapport de classe et l’autorité hiérarchique)…

L’utilisation du principe de la nécessité de service fonde le pouvoir hiérarchique et justifie de nombreuses décisions administratives. Ce qui est injuste car à cause de cette notion, cela peut permettre à nos collectivités de surseoir aux droits du fonctionnaire. Hé oui, la fameuse notion de « droit et devoir » est une fumisterie intellectuelle, car nous devons « servir en contrepartie d’un travail pour toucher notre salaire ». Sauf, qu’avec cette réalité juridique, la chefferie militante et managériale, bien souvent, en use et en abuse. Cette nécessité de service est exactement ce que dit Gabriel Attal, si la grève est un droit (plus que limité dans la fonction publique et c’est de pire en pire), il ose dire que le travail est un devoir. C’est exactement cela qu’implique cette nécessité de service. L’astreinte, la limitation du droit de grève pour certains services jugés comme fondamentaux dans la fonction publique l’illustrent mais c’est encore autre chose.

Nécessaire pour assurer la continuité d’un service public, cette notion implique également des compensations : indemnités, récupérations sous forme de repos compensateur. Notre pouvoir d’imagination doit être sans limite et nous devons, en connaissant bien notre travail, imaginer d’autres possibilités également, y compris en jouant sur les règles, lois : diminution du temps de travail induite par une augmentation des jours de repos, etc.

CEPENDANT, et c’est important, d’une manière générale, toute décision se fondant sur « la nécessité de service » doit être, non seulement équitable (en fonction de la tâche, de la personne, etc.) mais aussi et surtout le reflet d’une égalité de traitement entre tous et toutes. La décision doit être transparente et proportionnelle au but recherché. Ainsi, l’intérêt du service ne peut être invoqué lorsqu’il porte atteinte aux libertés fondamentales (certes rognées) ou émane visiblement d’ordres illégaux ou arbitraires. Il ne peut pas, par exemple, s’opposer à l’exercice du droit de grève (dans certaines limites ! encore) ou bien entraver un congé parental. Cela ne peut pas être également invoqué pour refuser une autorisation d’absence pour des formations syndicales de manière systématique, pour refuser un congé prévu depuis plusieurs mois, etc. Les jurisprudences (donc des jugements rendus, qui peuvent toutefois être inversés à d’autres moments) sont parfois bien établies. Il est juste dommage que le rapport de force ne suffit plus mais que ce soit la justice qui soit notre ultime recours (et ce n’est pas nous qui écrivons les lois).

Bien que le champ d’application de la notion soit large, le supérieur hiérarchique doit être en mesure de motiver sa décision faisant appel à la nécessité de service. Si sa décision est contestée devant une juridiction administrative, il doit apporter la preuve que la mesure contraignante est justifiée par la nécessité de service. De manière concrète, si on vous refuse un truc pour nécessité de service, il faut écrire (nous ne cessons de le dire) pour que votre N+ justifie la portée de sa décision et du pourquoi. Cela permet d’établir que vous ne vous laisserez plus faire (c’est un début) mais c’est surtout, l’écrit, la seule chose quantifiable pour éventuellement, aller plus loin.