Il ne peut nous échapper à nous militant·es syndicalistes, mais également à de nombreux collègues, et bien souvent, à de nombreux travailleurs·ses en général, que nombre de grand·es ou petit·es directeurs·rices, nombres d’élu·es, nous humilient (Attention pas toute·s !). C’est-à-dire, selon le Larousse : « 1.Sentiment de quelqu’un qui est humilié, atteint dans sa fierté, sa dignité. 2. Sentiment de honte qui résulte de telle cause. 3. Acte, situation qui humilie, blesse l’amour-propre.«
Au quotidien. Au détour d’une petite phrase, de grandes envolées, de petites décisions, de phrases sèches. Ces humiliateur·rices, le font parfois s’en sans rendre compte. Leur mépris est parfois aussi, total, viscéral, assumé. Ils humilient comme ils respirent. Nous en avons des exemples frappant en ce moment, par exemple à Angers avec la grève des MNS ou des anims. Dans les courriers, dans les propos tenus, tout est bon pour montrer leur suffisance, leur prétendu supériorité. « Il faut revenir à la raison » ; « il vous faut vous modérer » ; distribution de la parole et affirmation de leur propre prise de parole comme supérieure, menaces verbales et sous-entendus directs quand des agents précaires ou non, sont malades, chantage, mensonge en regardant les gens en face, refus du jour pour le lendemain de petites ou grandes choses qui sont invalidées du jour au lendemain… Dans d’autres collectivités, nous avons parfois des échos (suite à des demandes de conseils) en particulier sur les entretiens pros et des propos et mêmes ce qui pourraient être qualifiés d’insultes : « pleureuse » par exemple, de mémoire par un directeur de service d’une petite ville. On en est bien souvent là.
Ces humiliateur·rices ne comprennent rien à la vie réelle. Iels sont déconnecté·es du travail réel, c’est-à-dire du travail de terrain, et s’iels l’ont connu dans des temps plus ou moins lointains, ils et elles l’ont oublié. Déconnecté·es des douleurs infligés par le travail : dépression, fatigue, mal-être, boule au ventre, agressivité parfois -rarement- d’usager·ères mais qui laisse des traces, violence « managériale », course contre la montre permanente dans certains services, peur du CDD ou de la vacation non-renouvelée, manque de moyens qu’il faut pallier par habitude ou conscience, peur du passage en DSP (= délégation de service public), de la fin du mois difficile, maladies pros, etc. etc. etc.
Ils et elles sont déconnecté·es et ne connaissent le monde qu’à travers des tableaux, des notes de services, des réunions de Comités de Directions en prenant un café et en faisant de petites blagues entre gens de bonne compagnie tout en « gagnant » des milliers d’euros. Mais elles et eux, c’est mérité… Vous n’êtes que jalouses·x si vous pensez le contraire minaudent-iels. Iels pratiquent le chantage à la moindre occasion. Voir ainsi en Guadeloupe : « on » veut bien vous parler si vous cessez vos blocages ; voir à Angers avec le Maire et l’élue RH : « on » veut bien vous parler si vous cessez votre grève ; voir le ministre de l’intérieur qui verse des larmes de crocodiles devant un naufrage et la mort de dizaine de migrants : mais qui gère le capitalisme, le système économique, ne fait rien contre les fraudes, maintien des dictatures ? Etc.
Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y a toujours des collègues, des camarades de syndicats mêmes qui appellent au calme, au PRÉTENDU dialogue. PRÉTENDU, en gros, en gras, en italique, souligné, surligné. PRÉTENDU, car c’est quasi tout le temps un monologue des dirigeant·es, quel que soit le niveau hiérarchique. Ils daignent – dans leur grande bonté « managériale !- parfois nous écouter, par le voie de responsables et d’interlocutrice·eurs bien défini·es. Pour eux et elles, le dialogue est constructif quand les agent·es, les travailleurs et travailleuses de terrains du réels, susurrent avec docilité « oui oui mon bon maître« . On ne parle même pas de syndicats comme nous qui essayent d’amener les principaux collègues en grève au contact des élu·es, des décideurs… ça les choque parfois. Ils et elles préfèrent leur petits ghettos de gens bien assis, bien chauffés, pas stressés par les contingences quotidiennes du travail de terrain.
A vouloir tout réduire à néant devant leurs désirs, leurs idéologies, leurs spéculations théoriques du haut de leurs « tours d’ivoire », ils et elles ne nous laissent bien souvent que la révolte désordonnée comme ultime râle. Cette violence aléatoire, ce cri de rage parfois salutaire mais à courte vue, est tout autant dû aux dirigeant·es sous leurs diverses facettes qu’aux organisations (y compris syndicales !) qui sont toujours dans la médiation plutôt que de relever la tête face à ce mépris des puissant·es et de tenter la mise en place d’un autre futur. Ce sont les émeutes dans certains quartiers, ce sont les émeutes dans les colonies, ce sont les violences de rues qui ont émaillé les manifs de gilets jaunes… Avec parfois leurs lots de grosses débilités comme s’en prendre à d’autres « petites gens ». Des Jacqueries contemporaines en somme, qui parfois font trembler les pouvoirs, mais qui faute d’alternative ou de détermination sur le long terme, n’aboutissent pas ou peu. Et en face, les humiliatrice·eurs renforcent les moyens de répression, achètent à tour de bras des armes dites non létales qui éborgnent, qui mutilent et parfois tuent. Mais le dire est pour ces humiliatrice·eurs dérangeant, honteux, simpliste, « populiste ». Et le pire, face au mal-être général et au manque de perspectives, c’est que d’autres aspirant·es dirigeant·es sont aux aguets, prêt à bondir pour s’accaparer le pouvoir en se faisant passer pour des gens proches du peuple, proche de la misère mais en ne proposant que le recours à plus de libéralisme, de renforcement de l’autorité, de paradis artificiel (came, alcool, medocs, extrémisme religieux). Les Zemmour, Le Pen, Ciotti, les caïds et gros mafieux, les nationalistes de tous acabits, les fanatiques religieux, sont autant de symptômes plutôt que de remèdes. En France comme ailleurs.

C’est pourquoi, comme disait Pelloutier, en décembre 1899, un vieux de la vieille, un syndicaliste de première, le gus dont la grande salle de la Bourse du Travail d’Angers porte le nom, « nous sommes en outre ce qu’ils ne sont pas : des révoltés de toutes les heures, (…), les ennemis irréconciliables de tout despotisme, moral ou matériel, individuel ou collectif, c’est-à-dire des lois et des dictatures (y compris celle du prolétariat) et les amants passionnés de la culture de soi-même. » C’est dire qu’il nous faut réfléchir, comprendre le monde dans ses diversités économiques et sociales, les analyser, appuyer sans cesse sur ce qui ne va pas… Et puis essayer d’obtenir plus de justice, d’égalité, de liberté (et pas la liberté des nationalistes et des fascistes qui sont dans la rue en ce moment) pour tous et toutes ! Cette lutte est émaillée de défaites, de duretés psychologiques, mais il faut « s’y tenir et, par la continuité de l’effort, obtenir dans une direction déterminée le maximum de résultats sensibles et présents » (Pelloutier toujours en 1899).
Toutes les avancées, dont nous profitons encore, malgré qu’elles soient sans cesse attaquées, en France (sécurité sociale, vacances, salaires théoriquement dignes, conditions de travail, etc.) qui ont existé au travers des siècles ont été arrachées et lâchées par les détenteurs des pouvoirs économiques, sociaux, culturels. Jamais par bonté d’âme, ou très très rarement.